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Les deux « bayram »

Tous les étudiants ont eu quelques jours de vacances pour le Kurban Bayramı, la « fête du sacrifice », connue en France sous son nom arabe Aïd el-Kebir. À cette occasion, on se retrouve tous en famille, comme à Noël en France, et les villes étudiantes comme Eskişehir se trouvent bien calmes et désertes. Quant aux Erasmus, ils peuvent en profiter pour voyager ! J’ai donc encore eu recours à CouchSurfing et me suis promenée trois jours du côté d’Edirne, près de la frontière grecque.

Les vacances s’achèvent sur le Cumhuriyet Bayramı, la « fête de la République », comme un contrepoint laïc à la célébration religieuse qui précède. Ce jour commémore la proclamation de la république turque le 29 octobre 1923 par Mustafa Kemal, aussi connu sous le nom d’Atatürk, « le père des Turcs » ou littéralement « le Turc-Père ». Il fut le premier « président » de la république et réforma en profondeur la société turque, imposant de nouvelles institutions parlementaires (bien qu’étant lui-même plutôt un dictateur) et laïques. Il est aujourd’hui encore aimé et vénéré en Turquie ; on trouve son portrait dans les bâtiments officiels bien sûr, mais aussi chez les gens, dans des cafés, chez les vendeurs de posters, sur les coques de certains téléphones portables, sur des T-shirts…

Bien que le patriotisme et le culte de la personnalité soient des choses qui m’effraient, de retour à Eskişehir, je me suis rendue à la grande marche républicaine qui avait lieu à cette occasion. Là, une explosion de rouge : des centaines, des milliers de drapeaux turcs, agités par les membres du cortège, accrochés aux fenêtres des immeubles et des cafés. Même les tableaux lumineux à l’avant des tramways nous souhaitent une « joyeuse fête de la République ».

Les gens chantent et crient, d’autres observent depuis le trottoir ou depuis leur fenêtre, on prend des photos, on se salue, on agite des pancartes et des portraits du fondateur de la République. On acclame ceux qui défilent avec le Cumhuriyet Halk Partisi, le Parti Républicain du Peuple.

Eskişehir étant une ville majoritairement kémaliste, cette marche est aussi l’occasion de protester contre la politique du parti au pouvoir, l’AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi, « Le parti de la justice et du Développement »), qui se définit comme « islamiste modéré ». On entend des slogans tels que « Nous sommes les soldats de Mustafa Kemal », « La Turquie sera laïque », « Regarde Tayyip, regarde combien nous sommes ! » [Recep Tayyip Erdoğan est le nom du premier ministre], ou encore « Un jour viendra où l’AKP devra rendre des comptes ».

Curieusement, on voit quelques femmes qui portent le voile, pourtant souvent rejeté par les kémalistes. Voici le plus beau :

Un voile républicain ?

Elle est voilée certes, mais avec le drapeau turc, et participe à une marche républicaine laïque.

Quelques dernières images pour la route :

"Que la lumière soit", dit Atatürk... et la lumière fut         

        Ce rassemblement est un aubaine pour ce marchand de simit !

"Nous ne voulons pas de mariages de petites filles !" (Je ne connais pas très bien l'événement auquel cela fait référence)         Même les magasins de télés s'y mettent.

Rassemblement pro-laïque et mosquée         Le temps d'une photo, mariage d'un leader laïque et d'un édifice religieux. Bienvenue en Turquie !

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La fin de l’escale stambouliote approche…

Qu’ai-je fait depuis mon arrivée à Istanbul ?

J’ai beaucoup marché. J’ai exploré divers quartiers, je me suis imprégnée de la vie des rues, me suis familiarisée avec la géographie stambouliote. À l’INALCO, nos professeurs évoquaient souvent des endroits de la ville comme si nous la connaissions tous… Maintenant, je suis presque une initiée.

Je ne me suis pas seulement déplacée à pied, j’ai aussi pratiqué le réseau de transports, après avoir acheté une carte rechargeable permettant de prendre le bus, le tramway, le funiculaire et le vapur (bateau), moyens de locomotion que j’ai tous empruntés. Pour circuler à Istanbul, notamment aux heures où il n’y a plus de bus, vous pouvez aussi prendre les taxis, facilement repérables par leur couleur jaune et presque aussi nombreux que les voitures « normales », ou encore un dolmuş, un taxi-bus qui se présente sous la forme d’une camionnette jaune qui part une fois pleine (dolmuş signifie « rempli »). Les conducteurs de dolmuş, comme tous les usagers de la route en Turquie, dirigent leur véhicule de manière assez risquée et sportive (le code de la route, c’est pour les mauviettes). Pour plus de confort, vous avez donc intérêt à vous placer à l’arrière et non sur le strapontin à côté du conducteur, sans ceinture de sécurité.

Se déplacer à Istanbul peut parfois être très, très long. Le tramway, bien que semblable à celui de Montpellier (ils sont tous deux conçus par Alstom), est très lent. Quant aux bus, taxis et dolmuş, ils sont susceptibles d’être bloqués dans les embouteillages… J’ai entendu quelqu’un dire que pour cette raison, il était impossible d’arriver à l’heure à un rendez-vous à Istanbul.

Une chose est frappante aussi dans cette ville : à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, vous trouvez des boutiques ouvertes et des vendeurs ambulants. Quand les Turcs se reposent-ils ?

À n’importe quelle heure, vous croisez également des chats, beaucoup de chats. Ils sont visiblement appréciés ici, car des associations de quartier, au lieu de leur faire la guerre, les capturent pour les vacciner avant de les relâcher. Les gens leur donnent aussi à manger. Ils sont si nombreux que ce sont un peu les pigeons turcs, même si on a moins tendance à s’attendrir sur des pigeons (ce qui est très injuste d’ailleurs, non ?). Cette cohabitation a peut-être un lien avec la légende selon laquelle le prophète Mohammed aimait beaucoup les chats. Un jour, pour se lever sans déranger sa chatte Muezza, qui dormait sur sa djellaba, il aurait préféré couper un bout du vêtement. Celle-ci le remercia d’une révérence, et Mohammed accorda à tous les chats le pouvoir de toujours retomber sur leurs pattes.

En un peu moins d’une semaine, j’ai rencontré un certain nombre de gens : des Turcs, des Français, des Iraniens, des Italiens, des Syriens, des Kurdes… J’ai bu du thé et fumé la chicha, j’ai assisté à une partie de tavla, j’ai découvert un peu de musique kurde, j’ai fait la fête au pied de la tour de Galata, et aussi chez quelqu’un que je ne connaissais pas (mais qui était ami avec R., mon camarade d’avion) et qui organise des soirées Erasmus, j’ai trouvé d’intéressants points de vue sur le Bosphore, j’ai observé le soleil se coucher sur les mosquées, j’ai visité une colocation géante (ancien domicile de R.) gérée par un junkie australo-turc…

Ici, on se lie assez vite aux gens. Le fait de connaître un peu de Turc, quand vous êtes étranger, peut aussi contribuer à vous attirer certaines sympathies. Parfois, une personne que vous connaissez depuis une heure vous informe que vous êtes bienvenu(e) chez lui/elle quand vous voulez, ou vous propose de vous rendre tel ou tel service, ou de vous mettre en contact avec tel ou tel de leurs amis (ainsi, j’ai déjà plusieurs personnes à voir à Eskişehir). Lorsque vous vous quittez, ils vous disent avec un grand sourire qu’ils souhaitent vous revoir… et semblent sincères !

Aujourd’hui, flânant dans le quartier d’Üsküdar en compagnie de C. , une amie qui est en Erasmus ici, nous nous sommes arrêtées devant une vitrine dans laquelle dormait un chat. Le commerçant, assis devant sa boutique, engage alors la discussion et nous propose de prendre le thé. Il nous offre des cuillères en bois (!!) de sa boutique, ainsi qu’un livre de poèmes de Yunus Emre, « emprunté » à un commerçant voisin, dont il nous fait lire quelques passages. Il se dit derviche et nous vante ce grand poète mystique. Enfin, il nous propose du simit (pain au sésame), que nous refusons, et nous nous séparons, C. et moi arborant fièrement nos cuillères en bois !

Bien que toutes mes rencontres n’aient pas été aussi étranges, cet épisode représente assez bien l’esprit de partage que l’on trouve en Turquie. Il n’est pas rare que l’on vous invite ainsi à boire ou à manger. En fait, lorsque vous consommez en compagnie de Turcs, il est très difficile de payer sa part. Si vous souhaitez leur rendre leur générosité, vous devez vous précipiter avant eux pour payer, mais attention, il faut agir vite !

Parmi mes nouvelles connaissances se trouvent ma future colocataire, dont la famille habite ici à Istanbul. Au début, je devais loger avec deux autres personnes, mais comme elles fumaient, l’université, qui supervise le « placement » des étudiants Erasmus, m’a changée de partenaire. En réalité, cette dernière fume également. Je crois que tous les Turcs (et Kurdes) que j’ai rencontrés ici fument. Je n’ai pas envie de changer encore une fois de colocataire, d’autant plus que nous nous sommes bien entendues. Il y a peut-être moyen de s’arranger : si elle fume à la fenêtre, par exemple.
Avec elle et R. , nous nous sommes rendus dans un lieu où l’on nous a lu notre « destin » dans le marc de café… Voilà bien une chose que je n’aurais jamais faite d’ordinaire, en France !

Au cours de ces quelques jours, j’ai également rencontré de jeunes socialistes turcs, car en réalité, la vie politique ne se limite pas aux deux principaux partis : le CHP (parti kémaliste) et l’AKP (parti « islamiste modéré » au pouvoir).

Hé bien, c’est du joli ! À peine arrivée, je fréquente des Kurdes et des gauchistes…

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