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Vagabondages en famille, d’Istanbul à Eskişehir

Reprenons, avec beaucoup de retard, notre récit où nous l’avions laissé, au début du mois de février. Mes parents m’ont rejointe à Istanbul, où nous sommes restés quelques jours. J’avais une impression un peu étrange, car nous avons passé beaucoup de temps dans des lieux « pour touristes », alors que je m’étais habituée à la « vraie vie » d’une résidente en Turquie. De plus, comme dans ces lieux on s’adressait systématiquement à nous en Anglais, je me sentais quelque peu frustrée de ne pas pouvoir parler turc, sauf avec quelques personnes qui, bien que connaissant parfaitement l’Anglais, me laissaient complaisamment jouer l’interprète entre elles et mes parents pour ne pas gâcher mon petit plaisir (ce fut fort aimable de leur part).

Mes parents ont souhaité revoir certains lieux qu’ils avaient visités lors de leur précédente venue à Istanbul, sept ans auparavant (qui fut également mon premier voyage en Turquie), tels que la basilique Sainte-Sophie ou le palais de Topkapı. Nous avons également visité la Citerne basilique, le palais de Dolmabahçe, l’église Saint-Sauveur-in-Chora, la place Taksim et l’avenue Istiklal (que je commence à bien connaître, pour y avoir passé un certain nombre de soirées), le café Pierre Loti, d’où nous avons contemplé une vue imprenable sur la ville, les rues du quartier de Balat, le bazar égyptien, la mosquée Süleymaniye… Nous avons atteint cette dernière à la fin du jour, juste avant l’appel à la prière du soir. Le chant retentit du haut des minarets, et soudain le ciel éclate, s’illumine, se teinte de rose et d’orange ; les branches des arbres dans la cour de la mosquée semblent s’embraser… Nous assistons à cette scène, le souffle coupé.

Après avoir repris nos esprits, visité la mosquée et pris des photos, nous nous sommes rendus dans le quartier d’Üsküdar, où nous avons rejoint R., un ami français, pour une petite promenade nocturne. Puis nous avons eu faim. Nous nous sommes mis en quête d’un restaurant indiqué sur « le guide du Routard » apporté par mes parents… en vain. Nous nous sommes retrouvés dans des petites rues peu fréquentées. Nous avons interrogé un épicier sur la possibilité de manger dans les environs : le commerçant nous a expliqué que l’endroit que nous cherchions avait brûlé, mais nous a vivement recommandé son ami qui faisait du köfte (boulettes de viande hachée) deux rues plus loin. Il nous propose même de nous asseoir dans l’épicerie et de nous y faire apporter le repas ! Nous le remercions en lui disant que cela ne nous dérange pas de nous déplacer. Bien qu’étant quasiment végétarienne, un peu désespérée, et pour ne pas trop prolonger notre quête, j’accepte de me rendre chez ce köfteci.

En suivant les indications de l’épicier, nous parvenons à un restaurant minuscule du nom de Nakliman köfte, ne comportant que trois ou quatre tables, et sur le point de fermer. Nous nous apprêtons à repartir, lorsque le patron, un homme d’une soixantaine d’années, nous aperçoit et nous invite cordialement à entrer (Ça alors, des clients ! Et ils sont quatre ! Ne les laissons surtout pas filer !).

Tandis que son associé, ou son employé, nous prépare des sandwichs au köfte, puis tandis que nous mangeons, le patron nous fait la conversation. Je sers d’interprète (pour de vrai, cette fois) auprès de mes parents, qui ne parlent pas le turc, et de mon ami, qui le parle un petit peu. Les murs de la pièce sont entièrement couverts de photos des clients du restaurant (ah, finalement, ils existent !). Certains reviennent depuis des années, et on peut les voir vieillir au fil des photos. Deux énormes gants de boxe, ainsi que l’inévitable portrait d’Atatürk, sont aussi accrochés au-dessus de notre table. Il s’avère que le patron est Cemal Ertop, boxeur à la retraite, champion des Balkans en 1977. Il parle beaucoup, rit beaucoup, nous raconte sa vie, la boxe, les clients… Il entame avec R. un bras de fer qu’il remporte haut-la-main, malgré son âge avancé.
« Bois du lait ! » Lance-t-il à mon ami d’un ton triomphant, avant de nous demander à chacun, à tour de rôle, de tâter ses biceps durs comme de la pierre.
Nous nous conformons à la coutume et ne partons pas sans nous faire prendre en photo. Si nous avions trouvé le restaurant que nous cherchions au début, cela n’aurait sans doute pas été aussi drôle !

Après Istanbul, j’emmène mes parents à Eskişehir, moins touristique, mais sympathique. Je leur montre les maisons ottomanes restaurées, deux parcs, mon campus, la « rivière » (stagnante) Porsuk, parcourue de gondoles pseudo-vénitiennes et enjambée par de petits ponts kitsch et colorés… Je leur fais boire de la boza chez le célèbre Karakedi bozacısı et manger des çiğ börek, des gözleme (sortes de crêpes turques, déjà évoquées ici) ou encore des mantı.

Je leur fais également découvrir deux cafés que j’aime bien : Cafe de Kedi et Çaykovski. Le premier, qui est en même temps un restaurant, recueille et soigne les chats des rues ; il leur trouve aussi des familles. Certains sont en forme, d’autres, handicapés. Les petits pensionnaires dorment et jouent dans le café, et certains se laissent même caresser par les clients. J’ai entendu dire que ce concept était unique dans le pays. À noter aussi : les menus sont végétariens, chose plutôt rare en Turquie.

Dans le deuxième lieu, contrairement à ce que peut suggérer son nom, on ne joue pas de la musique classique, mais plutôt des musiques traditionnelles turques et kurdes. C’est un endroit très convivial, dont je connais les propriétaires et certaines personnes qui y travaillent. En général, le patron lui-même chante… et ça vaut le détour ! On nous réserve un accueil chaleureux et on nous sert du « thé clandestin » (le thé que consomment les Kurdes, et qu’ils font venir d’Irak). Au moment de partir, on refuse de nous laisser payer :
« Ce sont nos invités », m’explique l’un de mes amis en désignant mes parents.
Je traduis.
« Spas », répond mon père, à qui j’avais appris ce mot, qui signifie « Merci » en Kurde.
Étonnement de l’assistance, et commentaire de mon ami :
« Ah, mais moi je suis Turc en fait… ».

Au terme de ce séjour, je dépose mes parents au bus, supputant qu’ils devraient arriver sans encombre jusqu’à leur avion, puisque le bus est censé être direct jusqu’à l’aéroport Sabiha Gökçen, et qu’il n’est donc pas nécessaire que je fasse douze heures de trajet aller-retour pour les accompagner jusqu’au bout. Erreur ! Ils ont été débarqués dans un endroit qu’ils ne connaissaient pas et ont dû prendre une correspondance… Heureusement, ils ont trouvé quelqu’un qui parlait un peu Anglais et qui a pu les aider. Plus de peur que de mal, donc.

J’ai encore beaucoup de choses à vous raconter : un séjour un peu particulier à Ankara, et surtout un extraordinaire voyage au Kur… je veux dire dans le Sud-Est de la Turquie (mais sinon, ça m’arrive aussi d’aller en cours, je vous le jure). À bientôt…

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