Articles tagués : réveillon de Noël

շնորհավոր Սուրբ Ծնունդ

Vous vous interrogez peut-être sur la signification du titre de cet article. Il s’agit de l’expression arménienne pour souhaiter un « Joyeux Noël », ou plutôt « Joyeuse Sainte Nativité » (qui se prononce à peu près comme : « ch’norhavor sourp dz’nount »). Les Arméniens célèbrent en effet cette fête le 6 janvier, ce qui signifie que le réveillon a lieu le 5 au soir. Le 6 janvier, qui correspond à l’Épiphanie chez d’autres chrétiens, est en effet l’une des dates à laquelle plusieurs églises d’Orient célébraient autrefois la naissance de Jésus-Christ. Bakırköy, le quartier où je réside, compte plusieurs églises orthodoxes arméniennes, c’était donc l’occasion pour moi d’assister à la messe de Noël (ce qui est quand même drôle compte tenu du fait que je n’y ai jamais assisté en France).

Ce qui avait suscité ma curiosité, c’était d’avoir appris, quelques jours plus tôt, comment les Arméniens de Turquie fêtaient Noël : les coutumes sont assez différentes des pratiques françaises.

La période de sept semaines qui précède Noël s’appelle le « Hisnag ». Pendant la première, la quatrième et la septième semaine, les croyants adoptent un régime pesco-végétarien. Chaque samedi soir au coucher du soleil, ils et elles chantent des hymnes, des prières et allument des bougies violettes. Le soir du nouvel an, qui se situe pendant cette période, on se réunit en famille et on invite les pauvres à manger. Deux minutes avant minuit, on éteint les lumières et on prie, avant de les rallumer, de s’embrasser, d’offrir des cadeaux aux enfants.

Le soir du réveillon de Noël, le 5 janvier, que l’on appelle « Dj’rakalouyts », on allume 7 bougies violettes. La messe, à laquelle je me suis rendue, commence un peu avant le coucher du soleil. Je vais tenter de décrire ce que j’ai vu à travers mon regard très profane qui n’a pas tout compris. Voici d’abord une vidéo qui vous permet de voir à quoi ressemblait l’église.

Lorsque je suis entrée dans cette église, située dans une enceinte comprenant aussi une école arménienne, un groupe de personnes vêtues de toges beige, rouge et or, avec une croix dorée en haut du dos, étaient rassemblées autour de quelqu’un qui devait être le prêtre mais que l’on ne distinguait pas. Ils tournaient le dos à leur public et chantaient. Derrière le groupe était tiré un rideau blanc marqué d’une croix dorée, qui cachait donc l’autel.

Cette église m’a semblé plus chaleureuse que les églises françaises. Plus petite, plus colorée, plus éclairée, ses murs étaient décorés de couronnes de Noël et son sol était partiellement recouvert de tapis à motifs, comme ceux que l’on voit souvent dans les maisons en Turquie. Pas de trace de l’atmosphère froide et solennelle des églises que j’avais visitées en France.

Après une série de chants, le chœur s’est retiré sur les côtés. Le prêtre, qui portait une toge vert et or, a fait un sermon en arménien. Puis des enfants habillés comme les membres du chœur sont montés un par un sur la « scène », c’est-à-dire le bord de l’autel qui dépassait du rideau, pour lire chacun quelques phrases, toujours en arménien ; après quoi l’un d’eux, un petit garçon, a chanté, accompagné de trois petites filles en blanc ; à leur gauche et à leur droite, deux enfants tenaient chacun un candélabre. Tandis qu’ils terminaient, le prêtre, qui s’était éclipsé, est entré à nouveau dans l’église, accompagné d’un homme à cape violette et à capuche noire… Serait-ce un deuxième prêtre ? Mais ils ont rapidement disparu de mon champ de vision.

On a tiré le rideau blanc, découvrant ainsi l’autel, un immense portrait de Marie et l’enfant, et un homme portant une grande coiffe de prêtre et une cape verte. Un troisième prêtre !

De nombreux chants et prières se sont succédé. Les paroles étaient parfois mi-chantées, mi-scandées, d’une manière qui me rappelait quelque peu les chants des « dengbêj » kurdes (dont j’ai parlé dans mon récit de ma visite à Diyarbakir). Je ne suis pas capable de restituer chaque détail, car c’était vraiment très long. Le prêtre en vert a aussi prononcé un sermon, si je me souviens bien. Certains chants étaient rythmés par le son produit par deux personnes de part et d’autre de la « scène », qui secouaient chacune un bâton surmonté d’une spirale (cela a très probablement un nom… une crosse, peut-être ?). Par moment, on diffusait de l’encens. On entendait aussi la musique d’un orgue de temps à autre. Alors que les chants semblaient atteindre leur paroxysme, les fidèles ont soudain commencé à manifester leur joie et à s’embrasser les uns les autres. Des femmes m’ont également fait la bise en me souhaitant un joyeux Noël (du moins je le suppose, je ne comprends pas l’arménien).

Contrairement à ce que je pensais, ce n’était pas terminé. Quant à moi, j’observais presque autant les fidèles que ce qui se passait devant l’autel. J’ai remarqué que certaines femmes avaient couvert leurs cheveux, comme à la mosquée. J’ai aussi vu des personnes écarter les mains avec les paumes vers le haut, comme je l’avais observé chez les musulmans lorsqu’ils prient. Par ailleurs, au premier rang, une vieille dame s’est prosternée en touchant brièvement le sol avec son front, ce qui est aussi une caractéristique de la prière musulmane. Y aurait-il un syncrétisme des coutumes religieuses de Turquie sur certains points ?

Après un dernier sermon, de la part du prêtre à la cape violette, tous les enfants habillés en rouge et doré se sont alignés le long de l’allée qui menait à l’autel. On leur a distribué à chacun un texte et une bougie électrique ; après quoi, les prêtres et les enfants sont sortis de l’église en chantant, et les fidèles ont suivi ce cortège.

Mais ce n’était pas terminé ! Dans le petit espace compris entre l’église et l’école, les chants et les prières ont continué. De nombreux fidèles tenaient à la main une bougie (en fait un cierge).

Je suis partie lorsque les gens ont commencé à se disperser, mais en m’éloignant, j’ai entendu des chants provenant de l’intérieur : j’ai compris que j’avais suivi le mouvement d’une partie des personnes qui avaient décidé de sortir à ce moment-là, mais que la cérémonie continuait… J’y étais restée trois heures !

Je dirais qu’il s’agissait plutôt d’un beau moment, visuellement, sonorement et olfactivement parlant, même si cela était très, très long.

Après cette messe, les familles ont normalement dégusté un repas de Noël sans viande, sauf des fruits de mer (je n’ai jamais compris cette distinction, mais là c’est hors sujet).

Demain matin, une nouvelle messe aura lieu (quant à moi, je me rendrai plutôt à mes examens) et les croyants rendront visite à leurs proches ; puis le 7 janvier, le deuxième jour de Noël, ils iront se recueillir sur les tombes de leurs parents et amis décédés afin de prier pour leur âme.

Si certains d’entre vous ont des précisions ou des explications à apporter sur tout ce que j’ai décrit sans vraiment comprendre, ils sont invités à s’exprimer.

Source concernant les coutumes auxquelles je n’ai pas assisté : la page Wikipédia en turc sur Noël, qui consacre un paragraphe aux Arméniens.

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